Quand les gens pensent à la région de York en Ontario, ils s’imaginent probablement des quartiers de banlieue remplis de rangées serrées de maisons à deux étages. Ils s’imaginent peut-être également de petits centres commerciaux tous à peu près pareils. Ce qui ne leur vient probablement pas en tête, ce sont les jeunes qui ne savent pas où ils passeront la nuit.
360°kids est un organisme qui s’occupe des jeunes sans-abri ou en crise depuis 1989. Chaque année, l’organisme sert environ 3 500 jeunes dans la région de York, leur fournissant de la nourriture, des services de consultation, un refuge et de l’aide à l’emploi. Nous sommes fiers que 360°kids soit l’un de nos partenaires communautaires qui soutiennent et prennent soin des jeunes sans-abri (article en anglais).
Bonnie Harkness est chef de l’exploitation de 360°kids et est une défenseure des jeunes sans-abri depuis plus de 30 ans. Bonnie s’est assise avec nous pour discuter des défis auxquels les jeunes sont confrontés, de la façon dont 360°kids les aide et de ce que ces jeunes vivent au quotidien.
Bonnie : Il existe tellement de façons pour les jeunes de se retrouver sans abri. Ils peuvent perdre leur logement en raison de l’éclatement de leur famille, et un problème de santé mentale peut également facilement se traduire en perte de logement. Peut-être qu’ils ne se présentent pas au travail parce qu’ils sont en dépression et qu’ils ne peuvent littéralement pas sortir du lit. Ils finissent par perdre leur emploi, ne peuvent plus payer leur loyer et perdent leur domicile.
Il y a également des jeunes qui s’identifient comme faisant partie de la communauté LGBTQ et qui en parlent avec leurs parents, ou leurs parents le découvrent. Ces jeunes sont parfois chassés de la maison. Il pourrait s’agir de jeunes qui ont des notes dans les 90 % à l’école, qui font partie du groupe de musique et qui n’ont jamais eu de problème de toxicomanie ou de santé mentale, mais qui se retrouvent maintenant dans la rue sans aucune ressource.
Cela crée un effet d’entraînement. Ces jeunes commencent par ne plus se présenter en classe en raison de tout ce qu’ils gèrent. S’ils ne vivent plus à la maison, l’école ne peut pas communiquer avec eux. Il devient ensuite difficile de rattraper leurs notes. Cela a une incidence sur leur vie sociale. Ils cessent d’être eux-mêmes – ils sont plus agités, ont des problèmes avec leurs amis et sabotent leurs relations; leur réseau finit donc par s’éroder aussi.
Bonnie : Notre philosophie est d’éviter une approche uniformisée – toutes les preuves démontrent que cela ne fonctionne pas. On passe beaucoup de temps individuellement avec chaque jeune, à gérer leur dossier et à apprendre à les connaître. On se renseigne sur leurs compétences, leurs capacités, leurs limitations et les domaines dans lesquels ils ont besoin d’acquérir des compétences de vie.
Nous croyons qu’il est important de prendre soin des jeunes et nous avons des normes élevées pour nous-mêmes – nous sommes connus comme l’« hôtel » des refuges pour jeunes. Certaines personnes pensent que cela incitera les jeunes à ne jamais vouloir partir. Je pense que nous devrions réfléchir à deux fois avant de dire de telles choses. Pourquoi un jeune sans-abri mériterait-il moins? Personne ne veut vivre dans un refuge, et tout le monde veut avoir un sentiment d’indépendance. Pourquoi ces jeunes ne pourraient-ils pas vivre dans la dignité tandis que nous travaillons sur tous les autres obstacles auxquels ils sont confrontés?
Nous collaborons aussi avec des partenaires communautaires, parce que nous ne pouvons pas tout faire seuls. Ils nous aident à combler nos lacunes dans les domaines où nous n’avons pas d’expertise. Il s’agit d’offrir le bon service au bon jeune, au bon moment. Nous nous efforçons de penser à nos programmes différemment et de gérer ces derniers différemment.
Bonnie : Nous reconnaissons, surtout dans le contexte de la crise des opioïdes, que nous devons nous adapter davantage à ce qui se passe réellement. Certains jeunes ont des dépendances et consomment quoi qu’il arrive. Notre première étape est donc de minimiser les risques pour eux et pour la collectivité.
Il est important de traiter la cause, et non les symptômes. Les gens qui consomment des drogues et de l’alcool et deviennent dépendants en arrivent à cela parce qu’ils manquent de quelque chose dans leur vie. Nous devons concentrer nos efforts sur ce qui leur manque pour vraiment les aider. Tandis que nous nous efforçons de traiter ces causes, nous devons nous assurer que nos jeunes ne meurent pas – c’est le rôle que joue la réduction des méfaits dans la prise en charge de nos enfants.
Elle prend aussi d’autres formes : tous les jeunes qui entrent dans notre établissement en tant que résidents reçoivent une trousse de naloxone et une formation sur la naloxone. Ils n’ont peut-être jamais pris de drogue, et il est possible qu’ils ne le fassent jamais, mais nous leur remettons quand même une trousse. Ainsi, si une personne est victime d’une surdose, ses chances de survie seront beaucoup plus élevées. Ce que j’aime de notre organisme, c’est qu’on se met au défi de toujours penser différemment à ce qu’on peut faire de plus à la maison, au lieu de simplement regarder nos enfants mourir d’une surdose d’opioïdes.
Chaque année, au début du mois de mars, 360°kids organise l’événement 360° Expérience. Il s’agit d’une activité de financement et de sensibilisation d’une nuit dans l’ensemble de la région de York. Avant la nuit de l’événement, les participants amassent des dons auprès des commanditaires pour soutenir les programmes 360°kids, puis ils passent la nuit de l’événement dans la rue sans plus de ressources que celles dont disposent les jeunes sans-abri. Cette année, les participants ont amassé 334 972,00 $, soit plus du double de l’objectif de la collecte de fonds. Deux membres de notre équipe, Chloe Morrison et Laura Niro, ont participé à l’événement 360° Experience de cette année :
Chloe : Il y avait une maison juste devant moi, mais je ne pouvais pas y entrer. Alors, je me suis promenée et je me suis assise dans un café du coin pour prendre un thé, mais j’ai dû partir assez rapidement. À ce moment-là, j’ai ressenti la peur et l’incertitude quant à la suite des choses. Il faisait environ -12 degrés Celsius, et tous les établissements de restauration rapide et toutes les grandes surfaces fermaient leurs portes dans l’heure suivante. Où pouvais-je me tenir au chaud dans une ville où il n’y a pas de gare de train à proximité, pas d’entreprises ouvertes toute la nuit et pas d’abri où je me sentirais en sécurité de fermer les yeux pour la nuit?
Laura : Il faisait -7 degrés Celsius, c’était une nuit claire, et j’avais besoin de trouver un endroit pour être au chaud. Comme il n’y a pas de cafés ouverts dans le secteur, je me suis réfugiée entre deux immeubles pour me protéger du vent. Juste au moment où j’ai commencé à me sentir vraiment seule, j’ai entendu des voix – il s’agissait des gardes de sécurité des immeubles. Ils m’ont demandé de partir. Il faisait maintenant plus froid, soit -9 degrés Celsius.
J’ai sauté à bord d’un autobus, mais je savais que je ne pouvais rester que jusqu’à ce qu’il termine son dernier trajet à 12 h 18. Je devais déterminer où passer la nuit. Pendant que j’étais assise et que je commençais enfin à me réchauffer, j’ai pensé à tous les jeunes qui vivent cela chaque jour. J’ai ressenti l’isolement et l’ennui – aucun sentiment d’appartenance, juste l’espoir de rester en sécurité et de trouver un endroit où dormir au chaud. L’autobus est arrivé au dernier arrêt, et la nuit était maintenant plus froide encore.
Bonnie : J’ai moi-même déjà pris part à l’événement 360° Experience, une année. Je travaille auprès de jeunes sans-abri depuis 30 ans, et auprès de 360°kids depuis 20 ans. Les enfants qui viennent à 360°kids nous racontent leur histoire, mais je n’avais jamais fait l’expérience de leur situation. Ce soir-là, je suis entré dans un Tim Hortons et j’ai vu un de nos jeunes et son amie dormir assis à une table.
J’en parle dans mon travail, je dis aux gens que cela arrive réellement. Mais savez-vous à quel point c’est troublant de le voir de ses propres yeux? Une nuit entière à dormir assis à une table en guise de nuit de sommeil. Il n’est pas étonnant que nos jeunes soient fatigués et aient besoin de se coucher sur le canapé. Ce fût un moment émouvant pour moi.
La même nuit, j’ai vu un des jeunes avec qui j’avais travaillé, qui était maintenant un homme. Cela faisait 15 ans que je n’avais pas travaillé directement avec lui dans le cadre de l’un de nos programmes, alors je n’ai rien dit au début. Mais il s’est retourné et m’a vue. Son visage s’est illuminé, et il est venu me serrer dans ses bras. Il m’a dit : « Je pensais à vous tous la semaine dernière! ».
Il a commencé à me parler des gens avec qui il est resté en contact et de ce qu’ils font, qui est marié, qui a des enfants et qui éprouve encore des difficultés. Je me suis dit : c’était un jeune que je n’avais pas vu depuis 15 ans, et il pensait encore à ces moments la semaine dernière.
J’ai alors compris que notre travail avait des répercussions à vie. Il ne s’agit pas simplement d’offrir un service – aucun jeune ne se présente à notre porte et nous dit : « J’ai entendu dire que vous offrez d’excellents services de consultation ». Ce n’est pas la raison pour laquelle ils viennent. Ils viennent pour la nourriture et les loisirs gratuits, mais ce qu’ils emportent avec eux lorsqu’ils quittent, c’est un lien qui durera toute leur vie.
Découvrez comment vous pouvez aider 360°kids et contribuer à changer les choses pour les jeunes sans-abri de la région de York.
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